« Il y a donc clairement un cercle vertueux qui se développe, dans les entreprises humanistes, entre des employés mobilisés, reconnus, responsables, qui sont ainsi dans les meilleures conditions pour faire vivre à leurs clients une expérience relationnelle forte, qui vient elle-même renforcer encore plus la mobilisation des collaborateurs, grâce à la reconnaissance donnée par ces mêmes clients » : cette phrase est extraite du chapitre que j’ai eu le plaisir d’écrire dans l’ouvrage collectif « L’entreprise Humaniste: le management par les valeurs », sous la coordination du regretté Jacques Horovitz, fondateur de Châteauform’ (éditions Ellipse – Actu’ Gestion – 2013).
Je ressens le besoin de revenir à ce point du cercle vertueux entre l’épanouissement des collaborateurs et l’enchantement des clients, suite un article paru dans la dernière revue « L’expansion Management Review » (N°154 – Septembre 2014 … un numéro à ne pas louper car il éclaire les sujets liés au monde de la relation de service et, plus largement, du management de l’expérience client !). Cet article, écrit par Charles Ditandy et Benoît Meyronin, s’intitule « La symétrie des attentions, ambition ou utopie ? » … et comme, en le lisant, je me suis dit « ni l’un, ni l’autre », il m’a semblé important de formuler mes croyances et celles de Aube Conseil sur ce sujet (Aube Conseil est un cabinet de conseil en stratégie et management qui accompagne les entreprises au Canada et en France, particulièrement sur des sujets liés au management de l’expérience client). Cela m’a semblé d’autant plus important que cette article fait référence à notre ouvrage collectif « L’entreprise Humaniste ».
La logique de la symétrie des attentions s’appuie notamment sur les convictions portées historiquement par la Compagnie Southwest Airlines : « Nos collaborateurs bénéficieront de la même considération, du même respect et de l’attitude globalement attentionnée qui est celle que nous attendons de leur part lorsqu’ils sont en relation avec un client Southwest », « Nous professons depuis le premier jour que nos collaborateurs sont nos premiers clients« . Loin de moi l’idée de m’opposer à cette notion de symétrie des attentions, qui contribue, par sa notoriété, a démontrer le lien magique entre « ce qui se passe » dans l’entreprise et « ce qui se passe » avec les clients. Mon propos est plus de partager un certain nombre de convictions sur ce lien essentiel pour le développement d’une croissance pérenne des entreprises :
- La symétrie des attentions me semble essentielle pour des « valeurs » de base (comme, par exemple, le respect, la considération, l’écoute, …), qui devraient être portées par l’ensemble des acteurs au sein de toute entreprise, du manager au collaborateur. Par exemple, il est clair que le fait que le manager respecte chacun des membres de son équipe contribuera à ce que ses collaborateurs respectent leurs clients, mais aussi les membres des autres équipes au sein de l’organisation.
- Le fait d’assimiler l’application de ces valeurs de base à une relation de service, à l’interne, entre le manager et le collaborateur, me gène beaucoup plus. J’ai déjà parfois quelques réserves, suivant la culture de l’organisation, à parler de client interne dans la logique du service offert par un département (par exemple, l’informatique) à d’autres départements … mais considérer que le collaborateur est le client de son manager et qu’il doit donc être satisfait me met mal à l’aise. Le premier rôle du manager est de mobiliser ses équipes pour que chacun s’épanouisse en contribuant à la performance de l’entreprise. Son rôle n’est pas de les « satisfaire », comme si les collaborateurs étaient des « consommateurs » de leur emploi, mais bien de leur proposer une aventure qui amènera chacun d’entre eux à « être » l’entreprise (avec toute la fierté d’appartenance et la confiance qui vient avec !).
- Pour développer cette mobilisation au service des clients, une entreprise doit mettre en place les conditions favorables pour que :
- les collaborateurs veuillent contribuer au succès (grâce au sens donnée par la stratégie de l’entreprise, par son envie d’enchanter les clients et de porter au quotidien des valeurs fortes),
- qu’ils puissent y contribuer (grâce à l’autonomie qui leur est donnée, aux moyens humains et techniques et à la collaboration),
- et qu’ils aient envie d’y contribuer (par la considération personnelle et professionnelle qui leur ai donnée, ainsi que par la reconnaissance des managers et des clients)
- Ainsi, il me semble qu’il est difficile de résumer cette mobilisation des équipes à certaines « attentions » choisies (qui seraient les mêmes, dans une logique de « symétrie », à celles portées vis à vis des clients et entre les différents départements)
Cela m’amène, en conclusion, à penser que la « symétrie des attentions » est nécessaire (et même indispensable) pour des valeurs de base (respect, considération, écoute, …), mais pas suffisante pour contribuer à la mobilisation des équipes (et en premier lieu des dirigeants) au service des clients. Je propose qu’une notion plus large, qu’on pourrait appeler « l’effet miroir », fasse le lien non pas seulement entre des « attentions », mais, plus globalement, entre ce qui est fait pour mobiliser les équipes et ce qui est fait pour porter une expérience client mémorable (qui va au-delà de la relation et des attentions qui sont portées : il s’agit de l’ensemble des éléments vécus par le client dans son lien avec l’entreprise). C’est, il me semble, le sens profond du « service-profit chain » de Heskett, dans l’ouvrage « The Service Profit Chain – How Leading Companies Link Profit and Growth To Loyalty, Satisfaction and Value ».
A la question posée dans le titre de l’article qui m’a amené à écrire ce papier ( « La symétrie des attentions, ambition ou utopie ? « ), je répondrais que la symétrie des attentions, à mon sens (… et en toute modestie !), n’est pas une utopie mais une approche très opérationnelle du sujet de la mobilisation au service des clients. Je dirais aussi qu’il s’agit non pas d’une ambition, mais du fondement d’une approche stratégique et humaniste plus large, qui porte l’envie de remettre enfin les collaborateurs et les clients comme les leviers principaux de la croissance pérenne des entreprises.
Pierre Daems, Président de Aube Conseil (www.aubeconseil.com)